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16 janvier 2015 5 16 /01 /janvier /2015 17:23

 

Le film projeté en avant-première au Festival du Film Policier de Cognac,  « La rouquine tranche dans le vif ». avait super bien marché. Le public était venu nombreux. Aucune place prévue pour les spectateurs qui n’avaient pas réservé à l’avance leur place à l’Office du Tourisme. Ceux sans billet qui avaient voulu forcer le barrage pour voir leurs vedettes favorites, s’étaient vus refouler par les agents de sécurité, costume sombre et cravate, écouteur à l’oreille.  
Après la projection du film très applaudi par les spectateurs, le temps était venu des interviewes destinées aux chaînes nationales et internationales auxquelles les vedettes masculine et féminine,  Vincent Orsini et Elisabeth Deray devaient se prêter. 
Bien qu’en retard de près d’une heure, Vincent Orsini était arrivé le premier en limousine, ovationné par une foule nombreuse et impatiente -surtout les éléments féminins qui la composaient - retenue par des barrières de sécurité. Il est vrai qu’il avait de quoi faire rêver les lolitas, malgré (ou à cause ?) de sa quarantaine bien amorcée. Pas seulement les minettes. Egalement les mères des lolitas et même quelques grand’mères attardées dans leur souvenir d’amour enfui. 
Encadré par ses gardes du corps, sapé comme un Prince des Mille et Une Nuits…parisien, costume  sombre, larges épaules encore mises en valeur par le rembourrage habile de son tailleur, chemise blanche immaculée, cravate bleu pâle de la couleur de ses yeux, cheveu noir court et luisant de gel, il incarnait une séduction romantique capable de faire fondre une banquise.

Si la gent féminine était comblée, la foule des mâles se sentait frustrée. Elisabeth Deray, la vedette féminine, n’était pas à ses côtés. Vincent Orsini parlementa quelques instants avec les responsables de l’organisation, avant de s’engouffrer dans la salle où l’attendaient les journalistes. 
Un homme s’empara rapidement d’un micro et annonça aux fans  d’Elisabeth Deray que son arrivée était simplement retardée. Un « Ah !» à la fois de désapprobation et d’espoir jaillit d’une seule bouche de la foule, celle des fans de l’artiste, plutôt masculins ceux-là. Ils suivirent d’un œil dubitatif la luxueuse voiture qui repartait chercher la vedette, objet de leur rêve érotique.  
Quand au bout d’une demi-heure la limousine guettée par la foule revint sans leur idole, l’émeute se déclencha. Une  nouvelle fois, l’un des organisateurs du Festival prit son micro. Elisabeth Deray, victime d’un malaise, ne pourrait venir. Un murmure de déception courut de fan en fan pour se muer en inquiétude. La vie de la vedette désirée était-elle en danger ? Comment le public aurait-il pu savoir qu’elle ne risquait plus rien puis qu’elle était déjà morte.

Le médecin appelé au chevet d’Elisabeth Deray avait conclu à une embolie.  
— Elle était diabétique, confia Vincent Orsini au médecin. Elle s’est probablement injecté l’insuline dans un vaisseau  sanguin par maladresse.  
— Impossible. Ce médicament ne s’administre que par voie cutanée. Un tel accident ne peut se produire que lorsque la piqûre est intramusculaire ou intraveineuse, comme celle qui a laissé sa trace à la saignée du coude, au bras droit de mademoiselle Deray.  
Vincent Orsini posa la question que personne n’osait formuler. 
— Si Elisabeth n’a pas succombé à un accident, se pourrait-il qu’il s’agisse… 
Ce fut le médecin qui termina sa phrase. 
— D’un meurtre. Ce n’est pas impossible. Dans tous les cas, cette mort étant suspecte je ne peux signer le certificat de décès. L’autopsie de la victime confirmera mon diagnostic quant à mes conclusions sur la cause de sa fin.

La gérante de l’Hôtel François 1er dit à l’inspecteur. 
— Vincent Orsini m’a remis les clefs de sa chambre. Comme je me suis étonnée qu’il soit seul,  il m’a dit qu’Elisabeth Deray partirait un peu plus tard, quand l’analgésique qu’elle avait pris pour calmer sa migraine aurait agi. Il m’a demandé de ne lui passer aucun coup de téléphone pour ne pas la déranger puis il est sorti. 
— Il est monté dans quelle sorte de voiture ? 
— Je ne sais pas. J’ai été appelée au téléphone pour une réservation de chambres.  
— Avait-il l’air particulièrement préoccupé ? 
— A part l’horaire, je ne vois pas. Il n’avait pas attendu mademoiselle Deray car il était déjà très en retard, m’avait-il dit. Avant de partir, d’ailleurs, il a consulté sa montre-bracelet et a jeté un coup d’œil à la pendule dans le hall comme pour s’assurer de son exactitude.  
— Quelle heure était-il ? 
— Sept heures cinq. La pendule et sa montre étaient parfaitement synchronisées. Cela a semblé l’amuser et il me l’a fait constater en me mettant sa montre sous le nez, assez longtemps pour que je puisse comparer l’heure de sa montre et celle de l’hôtel. 
Un petit silence perplexe, suivi d’un soupir, salua la réflexion de l’hôtelière avant que l’inspecteur qui l’interrogeait ne s’enquière.  
— Quelque chose ne vous a pas frappé, dans son comportement ? 
La gérante eut un signe de dénégation. 
— Rien de spécial. Peut-être… Elle hésita.  L’inspecteur l’encouragea. 
— Allez-y ! Le moindre détail peut m’aider. 
— Et bien… 
Elle hésita à nouveau. 
— Vous allez me dire que cela n’a aucun intérêt pour vous. 
Elle s’arrêta encore, comme gênée par ce qu’elle considérait sans doute comme un élément négligeable, continua. 
— J’ai vu qu’il portait sa montre-bracelet au poignet droit alors qu’il est classique de la porter du côté opposé.

D’après les dires de l’hôtelière, Vincent Orsini portait sa montre à droite, ce qui était généralement le fait des gauchers. Un gaucher qui, instinctivement, aurait introduit l’aiguille dans le bras droit d’Elisabeth Deray pour y injecter une bulle d’air fatale et provoquer l’embolie pulmonaire.  
Malheureusement, renseignement pris, il s’était avéré que porter sa montre au poignet droit n’était pas général chez les gauchers. Certains la portaient à gauche et certains droitiers, au contraire, la portaient à droite. 
Indice non seulement insuffisant mais irrecevable aux yeux de la loi. 
Comment les poliiers allaient-ils pouvoir coincer le meurtrier, c’est à dire Vincent Orsini, soupçonné jusqu’alors d’avoir tué Elisabeth Deray.  
Chercher le mobile.  
Nul n’ignorait que Vincent Orsini et Elisabeth Deray ne se contentaient pas d’être partenaires à l’écran l’espace de quelques films. Ils l’étaient aussi dans la vie de manière très intime. C’était sans doute là qu’il fallait creuser et tenter de confondre la vedette masculine. 
Les témoignages ne tardèrent pas à s’accumuler. Des témoins avaient surpris les amants en train de se disputer. D’après leurs dires, Vincent Orsini, lassé de sa liaison,  aurait bien aimé rompre. Devant les menaces de sa maîtresse, il n’avait pu donner suite à ses désirs de rupture.  
Il n’ y avait plus qu’à arrêter Vincent Orsini qui n’avait pas d’alibi. 
Croyait-on. 
— J’étais avec lui, dit Elisabeth Deray. 
Le commissaire qui d’ordinaire ne s’étonnait professionnellement de rien se demanda s’il ne perdait pas la boule. 
Quant il la vit sourire, cela ne contribua pas à le rassurer sur son état mental. 
— Vous êtes…Elisabeth Deray ? articula-t-il. 
— C’est bien moi. 
La situation méritait une explication. 
— J’aimerais bien savoir à quoi rime ce cinéma, fit-il sans paraître se rendre compte de l’humour de sa remarque. 
— C’est ma doublure qui a été assassinée, Claudine Delorme. Vincent Orsini et moi-même, nous avons un sosie comme la plupart des vedettes. Ceci nous permet de nous faire remplacer dans des scènes dangereuses mais aussi  d’échapper à nos fans quant ils deviennent par trop envahissants. 
— Vous voulez dire que Vincent Orsini a assassiné votre sosie en croyant que c’était vous ? 
Elisabeth secoua sa jolie tête blonde bouclée sans en déranger une mèche laquée. 
— Vincent Orsini n’est pas le meurtrier. Malgré les rumeurs – vous savez combien les gens sont mal intentionnés – nous nous entendons toujours très bien. 
Le commissaire se renversa en arrière sur son siège et regarda Elisabeth Deray l’air goguenard. 
— Si ce n’est lui, vous allez me dire que c’est …sa doublure ? 
— Comment avez-vous deviné ? demanda Elisabeth en écarquillant ses grands  yeux couleur noisette ? 
— Il faut quand même sortir de cet imbroglio, annonça Vincent Orsini qui était d’origine italienne. Où est passé Gabriel Garrault, ma doublure ? Comme je ne suis pas l’assassin – je suis bien placé pour le savoir – ce ne peut-être que lui, non ? 
Le commissaire était du même avis et après l’avoir cherché tous azimuts, Elisabeth Deray avança une question pertinente. 
— A quelle heure est le dernier train pour Paris ? 
Il était à 20 h 28 avec changement à Angoulême. Malheureusement le quai vide indiquait que le TER était déjà parti. Tout n’était pas perdu cependant. Le train régional n’arriverait à Angoulême que dans une petite heure. Il s’arrêtait souvent en cours de trajet. Il fallait beaucoup moins de temps pour s’y rendre en voiture.  
Cueilli sur le quai au moment où il s’apprêtait à prendre le TGV pour Paris, Gabriel Garrault protesta de son innocence. 
— Je n’ai pas tué Elisabeth Deray ! 
Sa déclaration fut saluée par un sourire et une remarque. 
— Vous avez raison. Elle est bien vivante. 
La doublure de Vincent Orsini accoucha d’un soupir jailli du plus profond de ses entrailles. 
Il n’eut pas le temps de se réjouir. L’explication tomba tel le couperet du boucher sur un quartier de viande. 
— Vous vous êtes trompé de cible. C’est Claudine Delorme que vous avez tuée.

Gabriel Garrault  sortit de la gare, encadré non par des gardes du corps, comme dans ses rêves de gloire,  mais par deux policiers.  
Il était amoureux d’Elisabeth Deray, la maîtresse de Vincent Orsini et jaloux à double titre. Sur le plan personnel et professionnel. 
Il pensait faire d’une pierre deux coups. Tuer Elisabeth qui le repoussait et se venger de Vincent Orsini en le faisant accuser de meurtre.  
Il ignorait que la véritable Elisabeth Deray s’envoyait en l’air avec son amant dans un chambre du Château Martell à Chanteloup à l’heure du crime, alors qu’elle avait déclaré qu’elle occuperait la chambre d’hôtel avant son interview où séjournait habituellement sa doublure.  
Les deux amants aimaient bien se faire attendre par leurs fans. Particulièrement Elisabeth qui, de toute manière, préférait arriver seule afin que Vincent ne lui vole pas la vedette. 
Cela faisait partie du jeu. Cette fois-ci, un  jeu mortel. 
  
  
  

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